LA CHATELLENIE DE RAMBERVILLER 
ET L’EDIT DE JUIN 1751



 « Le changement le plus considérable qui soit arrivé dans la Lorraine & le Barrois, depuis l’avènement du roi de Pologne, vient de la suppression des Bailliages & Prévôtés, par édit du mois de juin 1751, & de la création d’autres tribunaux de justices, dont les arrondissements ou districts, très différents de ceux des anciens sièges, font une nouvelle division politique des deux Provinces, en trente-cinq Bailliages-roïaux,  à chacun desquels il y a un Bailli-d’Epée, par commission. 
 Ceux de Nancy, Lunéville, S. Diez, Vezelise, Commercy, Neufchateau, Mirecourt, Epinal, Bruyères, Sarguemines, Dieuze, Boulay, Bouzonville, Bar, S. Mihiel, Pont-à-Mousson, Etain & Briey, sont composés du Lieutenant-Général, Lieutenant-Particulier, Assesseur, de Six Conseillers, un Avocat du Roi, & Procureur du roi.
 Ceux de Rozières-aux-Salines, Chateau-Salin, Nomeny, Blamont, Darney, Bitche, Lixheim, Schambourg, Fénétrange, La Marche, Bourmont, Thiaucourt, Longuyon, & Viller-la-Montagne, du Lieutenant-Général, Lieutenant-Particulier-Assesseur, deux Conseillers, & de l’Avocat-Procureur du roi.

 Les sept Prévôtés créées par l’édit de juin 1751, sont, savoir : Badonviller, Bailliage de Lunéville; Ste Marie-aux Mines & S. Hypolite, Bailliage de S. Diez; Dompaire, Bailliage de Darney; Saralbe & Boucquemon, Bailliage de Sarguemines; Ligny, Bailliage de Bar. Leur jurisdiction ne s’étend pas au delà des lieux où elles sont établies, & les apels vont à  leurs Bailliages respectifs. Elles sont composés d’un Prévôt-Commissaire-Enquêteur & Examinateur, Lieutenant-Particulier, Avocat-Procureur du roi.
 Il y a dans chacun de ces sièges-roïaux un Greffier, & le nombre nécessaire de Notaires, Procureurs & Huissiers.
 Et pour toutes les jurisdictions créées par l’édit, un Receveur-Général des Consignations, Commaissaire aux Saisies Réelles, aïant pouvoir d’y commettre pour les fonctions de ces places.
 Tous ces sièges roïaux sont sous le ressort de la Cour  Souveraine de Lorraine: excepté les Bailliages de Bar, de la Marche, & la Prévôté de Ligny dont les apels se portent au Parlement de Paris.
 En général les justices des Seigneurs particuliers ressortissent aux Bailliages dans la dépendance desquels elles se trouvent.
 Mais il y en a qui, sous le titre de justices-bailliagères, ou de Buffets ressortissent directement à la Cour Souveraine, sans passer par le degré des Bailliages-roïaux, qui n’y connoissent  que des cas roïaux & privilégiés.   Tels sont les terres de Guise Millery, & Autreville, dans le Bailliage de Nancy. De Crévic ; dans celui de Rozières & Lunéville. Le Marquisat de Bayon, de Rozières. La Châtellenie de Rambeviller, de Lunéville. La chambre du Chapitre de S. Diez, Moyenmoutier & Etival, au Bailliage de S. Diez. Le Marquisat d’Haroué; & le Comté de Neuviller-sur-Moselle, de Vézelise. Villacourt, de Châté. Les Chambres de l’Abbesse & de la Doyenne de Remiremont.  Les Jurisdictions communes établies par déclaration du 22 novembre 1751, à Remiremont & à Bruyères. Blisbrucken; & Frawemberg, Bailliage de Sarguemines. Le Comté de Morhange, dans celui de Dieuze , et le Marquisat de Faulquemont, au Bailliage de Boulay.

 On appelle Buffet, un second degré de jurisdiction, apartenant à un Seigneur particulier, exemple : on appelle des  sentences du Maire de Crévic, au Buffet de Crévic; & des sentences de ce buffet, à la Cour Souveraine.
 Les différentes dépendances des deux Provinces, sont si mêlées & enlacées, & depuis si longtemps, que la Lorraine n’est aujourd’hui distinguée du Barrois que dans les seuls rolles que les Chambres des Comptes font pour la répartition de la subvention. Celle de Nancy sur toute la Lorraine, celle de Bar sur tout le Barrois.
 Pour toute autre chose elles sont considérées confusément ensemble & comme un seul corps, ou généralité. Les Recettes des Finances, les Maîtrises des Eaux & Forêts, & encore plus les Bailliages sont la plupart composés de l’une & l’autre Province. C’est donc la division par Bailliages que l’on va suivre. On se propose de décrire leur situation, leur étendue ; de remarquer ce qui méritera plus d’attention dans leur district, & d’y insérer même des articles dans la table alphabétique & topographique des lieux,  qui suivra ce mémoire »

 Dans cet ouvrage, Nicolas Durival consacre (pages 127-128), une notice à  Remberviller, que nous citons ci-dessous. En marge il donne une description des armoiries de la ville, dans le même style que Claude Charles qui,  à notre avis, exprimaient l’anticipation d’une possible annexion, sans aucune réserve de la châtellenie de Remberviller à la Lorraine. Il s’agit donc, en l’occurence, d’armoiries lorraines. Elles correspondaient, symboliquement, à la version qu’il donne de la Justice de Remberviller, comme explicité dans le ressort du Bailliage de Lunéville, en annexe de l’édit de juin 1751.
 Nous verrons, dans la suite les explications, avec preuves, qui en seront données.
 
 

REMBERVILLER

« Porte d’argent, à la croix de Lorraine de gueulles ; aux deux lettres I.R. d’or, brochant sur le tout & cotoyées de deux croissants montans de gueules. »
 « La ville de Remberviller est le chef-lieu d’une Châtellenie considérable, dépendant du temporel de l’Evêché de Metz,  cependant au diocèse de Toul. Elle n’est de la souveraineté de Lorraine que depuis 1718. Il y a une Prévôté-Bailliagère-Seigneuriale, dont les apels se portent directement à la Cour Souveraine de Lorraine, les cas roïaux & privilégiés apartiennent au Bailliage de Lunéville. Remberviller est à droite de la  Mortagne & le Fauxbourg à l’autre bord, trois lieues au nord de Bruyères, cinq de S. Diez, d’Epinal & de Charmes, six de Lunéville, onze de Nancy par Lunéville, neuf seulement par Blainville. Cette ville est ancienne : Etienne, Evêque de Metz , la ferma de murs vers l’an 1125. Il y avoit une cure dés 1227 & un château ;  il y a église paroissiale ; des Capucins établis en 1620 ; des Bénédictines de l’adoration perpétuelle ; un hôpital, gouverné par quatre Soeurs de la charité ; un hôtel-de-ville. Remberviller a encore ses portes & une partie de ses murs ; on communique de la ville au faux bourg par un pont de pierre, reconstruit depuis peu. on y fait un grand commerce de grains.
 Serrarius, fameux jésuite, nâquit à Remberviller  en 1555.
 Les lieux qui composent la châtellenie, sont : Remberviller, & les Censes de Malplantouse & Remenémont, Anglemont, Autrey & l’abbaïe d’Autrey, Bazin ou Bazien, Domptaille, Doncières ; Housseras, Jeanménil, Ménarmont ; les censes & fiefs qui en dépendent ; Ménil & le château de Villé, Nossoncourt & la cense de la Souche, Roville-aux-Chênes, Ste Barbe & les hameaux de la Sapinière & Belvute ; S. Benoît & la cense de S. Benoît, celles de Corbey & Rotomoncel ; Xaffévillers.

 Ils occupent la partie méridionale du Bailliage de Lunéville ; sont tous du diocèse de Toul, & régis par certains articles qui sont à la suite de la coutume de l’Evêché de Metz.
  (Nicolas Durival - Mémoire de la Lorraine & le Barrois - Nancy, 1753 - pages 75 à 77).
 

     Nous étions en 1753 !

 Après un quart de siècle (1753-1778), alors que le Roi de Pologne Stanislas Leszczynski, décédé le 23 février 1766, laissait à la France la pleine souveraineté sur les Duchés de Lorraine & Barrois ; six années environ, après les Lettres patentes du Roi Louis XV, du 17 octobre 1772 à Monseigneur Louis Joseph de Montmorency-Laval, dernier Evêque de Metz avant la Révolution française, dont nous donnerons plus loin copie, par lesquelles la Prévôté-Bailliagère-Seigneuriale de Ramberviller, était rétablie dans tous les droits qu’elle possédait depuis 1718. Nicolas Durival publiait un nouvel ouvrage, plus complet, sur l’organisation politique de la Lorraine & le Barrois, dans lequel il consacrait à Remberviller une notice tenant compte de l’événement susdit, mais à laquelle il n’apportait aucune modification de la description des armoiries par rapport à la précédente. Ce sera d’ailleurs, la dernière fois qu’il en sera question, avant l’établissement, dans la seconde moitié du XIXè siècle, par Constant Lapaix de son : « Armorial des Villes, Bourgs & Villages de la Lorraine du Barrois & des Trois Evêchés », dont nous parlerons. 
Mais revenons à cette seconde notice de Nicolas Durival sur Remberviller :
 
 

REMBERVILLER

« Porte d’argent, à la croix de Lorraine de gueulles ; aux deux lettres I.R. d’or, brochant sur le tout & cotoyées de deux croissants montants  de gueulles. »
 La ville de Remberviller, une des plus commerçantes du pays pour les grains, est le chef-lieu d’une belle châtellenie, qui fait partie du temporel de l’évêché de Metz. Elle n’est de la souveraineté de Lorraine, que depuis le traité de Paris de 1718 ; & néanmoins les ducs de Lorraine y avoient d’ancienneté plusieurs droits  & entre’autres un Tabellion garde notes qu’ils nommoient, restoit leur sujet, & instrumentoit de leur autorité. La ville de Remberviller ou Ramberviller est ancienne ; située à droite de la rivière de Mortagne, qui la sépare du faubourg. Il y a environ 450 maisons, la plupart bien bâties, & habitées par plus de 700 ménages ou feux. Les rues sont propres & presque toutes arrosées par des rigoles d’eau courante. Plusieurs chaussées la traversent en tout sens ; c’est comme un centre de communication pour toute la Vôge. Elle est à trois lieues de Baccarat, aussi du temporel des évêques de Metz ; à quatre de Gerbéviller, de Raon-l’Etape, de Châté, & de Bruyères ; six de St. Diez, d’Epinal & de Charmes-sur-Moselle ; sept de Lunéville & douze de Nancy. La  châtellenie est composée savoir : de la ville de Remberviller & ses dépendances ; de la mairie de Remberviller, composée de Roville-aux-Chênes, Doncières, Autrey, Housseras, Jeanménil, Breux & St Benoît-en-Vôge, du ban de Nossoncourt, où sont Nossoncourt, Bazien, Ménarmont, Anglemont, Ste Barbe, Ménil, & Xafféviller, Thiaville, Fagnoux & La Chapelle, qui sont  de la châtellenie de Baccarat, furent associés au ban de Nossoncourt par les évêques de Metz, suivant un arrêt du conseil des finances de Stanislas du 31 janvier 1750. Tous ces endroits sont régis par des Usages, qui sont à la suite de la coutume de l’évêché de Metz ; en cas de silence, par cette coutume. 
 Le Remberviller se trouvant dans la ligne de partage des évêchés nouvellement érigés à Nancy & à St.Diez, est divisé entre les deux, en sorte que la ville de Remberviller, dont cependant l’église est du côté de Nancy, est dans le diocèse de St.Diez, avec les annexes, ainsi que les églises leurs annexes & succursales, qui sont du côté de St.Diez relativement à la voye royale; qui fait en général la démarcation.
 Etienne évêque de Metz avait fermé la ville de Remberviller de fossés & de palissades vers l’an 1125 ; Jacques de Lorraine un de ses successeurs y ajouta vingt-quatre tours & des murailles en 1260, les portes existent encore & une partie des murs. Il y avoit un château. La cure étoit connue dès l’année 1227. Il y a plusieurs chapelles dans l’église paroissiale, de laquelle dépendent plusieurs annexes.
 Les Capucins s’établirent à Remberviller en 1620, par les bienfaits de Claude d’Hardige veuve du baron de Bilstein, & les secours d’autres personnes pieuses.
  Il y a aussi des Bénédictines de l’adoration perpétuelle du St Sacrement.
  L’hôpital est tenu par quatre soeurs de la charité. Par lettres-patentes du 10 décembre 1759 Stanislas donna à cet hôpital un jardin qu’il avoit acheté.
  On communique de la ville au faubourg par un pont de pierre reconstruit sous le règne de Stanislas.
  La justice est exercée à Remberviller par une prévôté-bailliagère-seigneuriale, composée du prévôt, du lieutenant, d’un conseiller-assesseur, d’un procureur-fiscal, un greffier. Les appels de ce tribunal ressortissent du parlement de Nancy en conformité des lettres de Léopold  du 15 juillet 1718 ; & pour les cas présidiaux au présidial de Nancy. Par lettres-patentes de Louis XV, du 17 octobre 1772, la prévôté-bailliagère de Remberviller est maintenue dans sa juridiction sur les nobles, ecclésiastiques & communautés, comme avant l’édit de juin 1751.
L’hôtel de ville est composé du chef de police, du lieutenant, de l’assesseur, trois conseillers, un procureur-syndic, un receveur, deux secrétaires-greffiers, trois commissaires de quartier, un sergent de Police.
 La cense de Malplantouse, les fiefs de Métendal & Bouzillon sont de la communauté de Remberviller.
 A un quart de lieue, sur le ruisseau qui vient de l’abbaye d’Autrey est une belle papeterie, appelée Blanchifontaine, du nom de la source qui est auprès. On y fit des essais de papiers façon d’Auvergne & de Hollande, qui furent présentés au feu Roi de Pologne.
   SERRARIUS savant jésuite, naquit à Remberviller en 1555. »
  (Nicolas Durival - Description de la Lorraine et du Barrois - Nancy, 1777 - 1783 - pages 89-90).
 La comparaison des notices sur Remberviller de Nicolas Durival permet de constater que l’Edit du Roi de Pologne de juin 1751, portait atteinte aux droits juridictionnels reconnus aux Evêques de Metz par le Traité de Paris du 21 janvier 1718, l’Edit et Lettres patentes de S.A.R. le Duc Léopold des 12 & 15 juillet suivants.
 Dans celles-ci l’auteur indique le droit possédé par les ducs de Lorraine de nommer des tabellions dont chacun : « restoit leur sujet & instrumentoit de leur autorité. »
 Cependant, pendant deux siècles et demi Ramberviller posséda un droit de tabellionnage, dont les sceaux sont décrits dans le « Catalogue des Sceaux des Archives Départementales de Meurthe & Moselle ». Sceaux   appendus à des actes avec pour certains le contre-sceau aux armoiries de l’Evêque de Metz du moment.
 



retour