MEDAILLE COMMEMORATIVE de la guerre  de 1870 - 1871 Par L.H. FLEURENCE

Sommaire :
La guerre de 1870 -1871
La bataille des Vosges
Institution de la décoration
Attribution de la médaille aux vétérans du canton de Rambervillers
La liste cantonale (canton de Rambervillers) des titulaires de la médaille commémorative de la guerre de 1870-1871

Les dernières années du Second Empire furent marquées par ia libéralisation dle certains aspects de la vie publique, la grandiose exposition de 1867, la Loi Niel sur l'organisation de 1'armée, la lutte pour la défense des états pontificaux, enfin par le plébiscite du 8 mai 1870 qui donna l'illusion d'un Etat fort, d'une France redoutable et redoutée (25).

La guerre de 1870 -1871

La dépêche d'Ems du 13 juillet 1870, devait servir de prétexte à la déclaration de guerre à la Prusse, le 19. L'impréparation militaire, les revers du mois d'août aboutirent à la capitulation de Sedan et à la chute de l'Empire. La République, proclamée le
4 septembre, n'arrêta pas les hostilités. Les efforts de la délégation de Tours du gouvernement de la Défense nationale ne purent éviter les cruelles défaites de l'automne et de l'hiver et, le 28 janvier 1871, l'armistice, qui livrait PARIS et une partie de la France.

La bataille des Vosges

Si, depuis le début des hostilités, les Allemands étaient maîtres des Vosges depuis la frontière jusqu'à Saverne, les hauts sommets, les passages les plus élevés étaient encore sous notre contrôle, ce qui permettait de dominer la plaine d'Alsace et de menacer les communications de l'ennemi entre celle-ci et l'intérieur du pays.

Le général Boulanger, dans sa relation de la première partie de la guerre, a vigoureusement condamné l'abandon par Mac-Mahon de la résistance dans le massif vosgien (26).

Dès le début de septembre, le préfet des Vosges, George, entreprenait de l'organiser (27).

Les Allemands n'ignoraient pas le danger que ferait peser, sur leurs voies de communication, toute réorganisation militaire dans le département.

La capitulation, prématurée, de Strastbourg, permit à l'état-major prussien de former, avec les troupes de siège, le XIV° corps d'armée. Placé sous le commandement du général De Werder, il recevait, entre autres, l'ordre de s'opposer à tout
regroupement de forces dans les Vosges.

Après les escarmouches de la scierie Lajus et de la Trouche dans la vallée de la Plaine; rnalgré la tentative de défense de Raon-l'Etape, nos troupes composées d'éléments assez divers furent rassemblées à la Bourgonce, sous les ordres du général Dupré, elles comprenaient: le 32ème régiment de marche (colonel Hocéde), la 18ème batterie du 14ème régiment (capitaine Delahaye), le 2ème bataillon des mobiles de la Meurthe (commandant Brisac), un bataillon et demi du 58ème régiment de Garde nationale mobile des Vosges (lieutenant-colonel Dyonnet), les francs-tireurs: de Neuilly (capitaine Sageret), de Colmar (capitaine Eudeline), de Lamarche (sous les ordres de son lieutenant, Mademoiselle Marie-Antoinette Lix). Ces unités devaient être rejointes à l'aube du 6 octobre par le 34ème régiment de marche composé des mobiles des Deux-Sèvres. Arrivés la veille par chemin de fer, à Bruyères, les 32ème et 34ème régiments étaient fatigués par le transport et une longue marche de nuit. Cet ensemble disparate formait une brigade de 9.450 hommes, ne possédant qu'une artillerie insuffisante et totalement dépourvue de cavalerie et d'ambulances (29).

Sans se préoccuper de l'état de fatigue d'une grande partie de ses hommes le général Dupré fit mettre en marche, au matin du 6 octobre, deux colonnes en direction d'Etival. Leur mouvement a peine commencé elles se heurtèrent à la brigade du général Degenfeld, composée de 7.000 hommes, 900 chevaux et 12 pièces d'artillerie, qui se dirigeaient vers Saint-Dié en empruntant les deux rives de la Meurthe. C'est avec le détachement cheminant sur la rive gauche que s'engagea un combat acharné et longtemps incertain. L'appel en renfort de la colonne allemande remontant sur la rive droite de la rivière contraignit nos troupes à se replier, par le col de Mont-Repos et les Rouges-Eaux, en direction de Bruyères. Nos pertes s'étaient élevées à 846 tués, blessés et disparus. L'ennemi n'accusait que 431 hommes hors de combat. Les monuments de Nompatelize, La Salle et Saint-Rémy, rappellent cette journée. Celui de Saint-Rémy surmonte principalement la sépulture des gardes mobiles des Deux-Sèvres.

Malgré l'héroïque défense de Rambervillers, le 9; le combat livré à Brouvelieures par le corps franc des Vosges du colonel Bourras, le 11 et la résistance des gardes nationaux d'Epinal, le 12, le repli vers Remiremont fut décidé et, le 13, le général Cambriels, qui commandait cette première armée de l'Est, ordonnait l'abandon des Vosges et la retraite, par la Haute-Saône, vers Besançon (30).

Ce qui peut étonner, même encore aujourd'hui, c'est qu'une ligne de défense admirable, une région particulièrement propice à de dangereuses expéditions contre les points les plus vulnérables des communications de l'ennemi, aient pu tomber au pouvoir de celui-ci en moins de trois semaines.
 

Institution de la décoration

Plus de quarante ans après la fin des hostilités et la signature du traité de paix avec l'Allemagne, et moins de trois ans avant que n'éclate la première grande conflagration mondiale, on songea aux anciens combattants de la guerre de 1870 -1871 et 1'on créa, pour les survivants, une médaille (31).

En bronze, du module de 30 millimètres, portant à l'avers 1'effigie d'une République casquée et au revers les attributs militaires des différentes armes et le millésime 1870-1871, elle était suspendue par une bélière constituée par un simple anneau de bronze à un ruban de trente-six millimètres de largeur rayé verticalement par neuf bandes vertes et noires alternées, symbolisant l'espérance et le deuil. La médaille attribuée aux engagés volontaires portait une agrafe en argent mentionnant cette qualité. Le brevet, numéroté et enregistré à la Grande Chancellerie de la Légion d'honneur, était délivré gratuitement; la médaille devait être acquise par son titulaire ou par l'association de vétérans à laquelle, éventuellement, il appartenait.

La distribution des décorations commença dans les premiers mois de l'année 1912 et s'échelonna jusqu'à la veille de la guerre de 1914-1918. Le nombre des matricules conservés au Musée National de la Légion d'honneur est, d'environ, 358.000 (32).
 

Attribution de la médaille aux vétérans du canton de Rambervillers

Il y eut moins de décorés de la médaille commémorative de la guerre de 1870-1871 que de celle de Sainte-Hélène. Leur nombre fut de cent cinquante trois dans vingt trois des vingt huit communes du canton; il se répartissait de la facon suivante:

ANGLEMONT - 3                                                        HARDANCOURT - 1                                                  ROMONT - 3
AUTREY- 3                                                                   HOUSSERAS - néant                                                  ROVILLE-AUX-CHÉNES - 2 
BAZIEN - néant                                                           JEANMENIL- 19                                                          SAINTE-BARBE - 2 
BRU - 3                                                                          MENARMONT - 3                                                       SAINT-BENOIT - 17
CLEZENTAINE - 7                                                       MENIL - 4                                                                     SAINT-GENEST - néant
DEINVILLERS - néant                                                  MOYENMONT - 6                                                      SAINT-GORGON - néant 
DOMPTAIL - 3                                                             NOSSONCOURT- 1                                                     SAINT-MAURICE - 2
DONCIERES - 1                                                             ORTONCOURT - 1                                                     SAINT-PIERREMONT - 1
FAUCONCOURT- 1                                                     RAMBERVILLERS - 63                                              VOMECOURT - 6 
                                                                                                                                                                                XAFFEVILLERS - 1
Le numéro de brevet le plus bas fut celui de Drouin Henri, de Rambervillers : 4.173, le plus élevé celui de Jacquot Joseph, de Saint-Benoit : 346.380 (33).

Sur les soixante trois décorés de Rambervillers, plus de la moitié, trente six, étaient des anciens défenseurs de la journée du
9 octobre 1870, dont trente trois demeuraient encore dans la cité: Briot Ignace, Cartier dit Bernard Charles, Caspar Charles François, Cherrier Jean Nicolas, Coltat Joseph, Coutret François, Cuny Jean Joseph, Dittler Antoine, Dussourt Emile Eugène, Frachet Charles, Fréard Constant, Gentilhomme Emile, Gérard Joseph, Girot Charles, Grob Auguste, Houot Jean, Jeandel Maximin, Jointin Félix, Lallemand Charles, Lupin Louis, Masson Joseph, Mentre Nicolas Oscar, Oger Antoine, Pano Auguste, Petit Jean, Poirot Joseph, Poix Charles, Renaux Jean, Rhomer François, Roger Alphonse, Terrillon François, Thiebert Jean, Thiriet Antoine.

Trois l'avaient quitté: Covillat Constant Eugéne habitait à Epinal; Gentilhomme René Juste à Moyen (Meurthe-et-Moselle); enfin, Périsse Louis Arthur s'était transporté à Herchies (Oise).

Les anciens combattants du 9 octobre 1870, demeurant à Rambervillers adressèrent, le 26 novembre 1911, au préfet leur dossier constitué: d'une demande, d'un certificat de bonnes vie et moeurs, d'une attestation de présence dans la Garde nationale signée par le capitaine Eugène Dussourt, dernier survivant des officiers qui dirigèrent la résistance (34) et par le sous-lieutenant Charles Caspar; ces pièces signées par leurs auteurs respectifs étaient certifiées par le maire.

Covillat qui demeurait à Epinal fit établir son dossier par "l'Association des anciens militaires ayant fait campagne de guerre" de cette ville, accompagnée d'un extrait numéro 3 du casier judiciaire; Gentilhomme l'expédia le 8 décembre, Périsse le 10; tous trois fournirent l'attestation de présence dans la Garde nationale et les deux derniers des certificats de bonnes vie et moeurs de leurs mairies respectives. Tous les autres décorés se conformèrent, suivant leurs situations militaires, aux dispositions correspondantes de la loi.

Il est difficile de savoir le sort qui fut réservé à cette décoration. Il est probable qu'elle eut le même que celle de Sainte-Hélène. Portée à l'occasion de cérémonies commémoratives ou d'assemblées d'anciens combattants elle dut rejoindre bien vite les souvenirs de famille, surtout à l'approche de la guerre de 1914-1918.

Les "héros de la défaite" (35) furent vite oubliés. Que représentaient-ils, ces soldats malheureux de la guerre de 1870-1871, en face de la gloire qui auréola les poilus qui rendirent à la France l'Alsace et la Lorraine?
 

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