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La presse nationale ainsi que plusieurs journaux régionaux et
locaux, se firent l'écho de cette démarche.
Par délibération du Conseil municipal de Paris, du 31
décembre 1904, le nom de Rambervillers fut donné à
une rue du 12e arrondissement.
Dans deux années, la glorieuse cité vosgienne, première
ville lorraine à avoir reçu cette distinction, sera conviée
à commémorer le centenaire de l'autorisation: "de faire figurer
dans ses armoiries la Croix de la Légion d'honneur. " Cet hommage
lui fut conféré par le décret présidentiel
du 19 avril 1896.
L'hôtel de ville de Rambervillers, le monument
de la défense du 9 octobre 1870, l'église et quelques autres
édifices et monuments offrent, avec le moulage exposé au
Musée de la Terre, la plus extraordinaire exposition des différents
types d'armoiries qu'une ville a possédé au cours de son
histoire.
Dès avant 1581 jusqu'en 1718, les blasons
communaux furent très probablement semblables à celui gravé
sur le heurtoir de la porte principale de la mairie: écu posé
sur une crosse épiscopale mise en pal, à la lettre capitale
R. C'est ce type, sans la crosse, qui fut enregistré et blasonné
dans - L'ARMORIAL GÉNÉRAL DE FRANCE - de Charles d'Hozier
en 1697:
« D'azur à la lettre capitale R d'or ». Rambervillers
était, à cette époque, de la Souveraineté de
l'Evêché de Metz. Les villes de Lorraine, pays d'Etat, n'étant
pas soumises à l'Edit royal du 20 novembre 1696.
La création en Lorraine & Barrois, par
Edit du duc Léopold du 31 août 1698, de dix-sept bailliages
et sièges bailliagers et de cinquante-sept prévôtés,
dont six aux sièges de quelques bailliages, furent, sans doute à
l'origine de l'établissement par Claude Charles peintre ordinaire
du duc et héraut d'armes de Lorraine du - RECUEIL HÉRALDIQUE
-, rassemblant les blasons existants ou créés, de ces prévôtés.
(1)
Le traité de Ryswyck, d'octobre 1697, avait
laissé le soin aux souverains de France et de Lorraine de négocier
les ajustements territoriaux laissés en suspend. Par suite des interruptions
provoquées par la guerre de Succession d'Espagne
(1701-1714) et la mort de Louis XIV, le 1er septembre 1715, les pourparlers
durèrent vingt ans. Leur conclusion fut le Traité de Paris
du 21 janvier 1718. Signé par le Régent et le duc Léopold,
il plaçait, entre autres sous la souveraineté lorraine la
châtellenie de Rambervillers suivant les conditions arrêtées
dans l'article XIII du traité et autres dispositions particulières,
comme les lettres patentes du duc à Monseigneur Henry-Charles du
Cambout de Coislin, évêque de Metz, lui permettant d'établir
à Rambervillers une prévôté-bailliagère
(2).
Les armes de cette prévôté sont
blasonnées dans le - RECUEIL HÉRALDIQUE - de Claude Charles:
« D'argent, à la Croix de Lorraine de gueulles, aux deux lettres
IR d'or brochant sur le tout et cottoyée de deux croissants montants
de gueulles. »
Le but probable de cette composition pouvait être
l'identification de la souveraineté lorraine sur la châtellenie
de Rambervillers, bien qu'elle continua à dépendre du bailliage
de l'Evêché de Metz ayant son siège a Vic.
On ignore tout de l'utilisation de ce second type
d'armoiries communales. A l'exception de sa représentation dans
le - RECUEIL HÉRALDIQUE -, qui mériterait explication, de
ses descriptions, par Nicolas Durival dans - MÉMOIRE DE LA LORRAINE
& DU BARROIS (1753) -, et- DESCRIPTION DE LA LORRAINE & DU BARROIS
(1777-1783) -. On ne sait si ces armoiries furent portées par les
députés de la ville à la pompe funèbre du prince
Léopold-Clément en 1723, à celle du duc Léopold,
en 1729, ni à quels autres usages elles purent être employées.
En juin 1751, I'Edit du roi de Pologne Stanislas
annexait la châtellenie de Rambervillers au bailliage de Lunéville.
Des documents font état de plusieurs interventions du Chancelier
Antoine-Martin Chaumont de la Galaizière dans les affaires communales,
notamment en 1770 pour l'aménagement des logements destinés
aux cavaliers de la brigade de maréchaussée, dans la "maison
de l'étape" et l'obligation faite à l'adjudicataire des travaux:
« de placer dans le mur en face de l'endroit désigné
sur le plan, une belle pierre sur laquelle il fera tailler les armes de
la ville avec leurs armements en relief... » C'était le troisième
type de blason de la ville, dont le dessin du plan donne un aperçu
assez frustre (3).
Ces trois principaux types d'armoiries communales
donnèrent naissance à plusieurs modèles composés,
chacun, des mêmes pièces et figures.
Le rattachement de la châtellenie de Rambervillers
au bailliage de Lunéville ne fut pas des plus harmonieux. Le roi
de France:
"étant d'ailleurs informé que les officiers du bailliage
de Lunéville ont élevé des contestations et des prétentions
contre ceux de la prévôté-bailliagère de Rambervillers,
nous avons pensé qu'il était de notre justice de les faire
cesser... » Par lettres patentes du 17octobre 1772, le roi Louis
XV confirmait la Prévôté-Bailliagère de Rambervillers
dans tous les droits dont: « elle a toujours joui, jusqu'à
l'Edit de juin 1751, nonobstant toutes choses à ce contraires. »
En 1774, Charles Michel célèbre orfèvre
rambuvetais: « grava les armes de la ville » (4). La somme
particulièrement modique qu'il reçut pour ce travail: 7 livres
15 sols, laisse penser qu'ils s agissait d'un travail artistique simple,
probablement de
l'ordre de l'empreinte du signet apposé au bas d'une lettre
du chevalier de Franc aux officiers municipaux, du 9 décembre 1787
(5), qui subsista jusqu'au 8 août 1790, date de la délibération
des: maire, officiers municipaux et notables de Rambervillers, abolissant
1'usage du cachet: « destiné aux attestations et actes délivrés
par la municipalité attendu qu'il porte pour empreinte les cy-devant
armoiries de Rambervillers traversées en direct d une crosse d'Evêque
qui représente le seigneur du lieu. » (6)
Sur un certificat de vie du 20 juin 1775, on voit un sceau
de cire rouge d'un diamètre de 24 millimètres, plaqué,
représentant: un écu Renaissance, à la lettre capitale
R, une crosse en pal brochant sur le tout et dépassant les limites
de l'écu; sur le pourtour l'inscription: "SEAU DE LA JVSTICE DE
RAMBERVILL" (7)
Les lettres patentes royales ne furent, sans doute,
pas étrangères à la remise en usage, sous différents
modèles, du premier type d'armoiries de Rambervillers.
Contrairement à certaines assertions, malgré
les différends qui opposèrent les officiers des prévôtés
de Lunéville et Rambervillers, les droits temporels et de juridiction
des évêques de Metz dans la châtellenie leur furent
maintenus jusqu'à l'abolition de tous les privilèges seigneuriaux
par la Révolution de 1789.
Ce fut seulement soixante-dix ans plus tard, en
1859, qu'apparurent, gravées en tête des papiers de la mairie
les premières armoiries du XIXe siècle, elles ressemblent
à celles dessinées en 1770 sur le plan des logements de la
brigade de maréchaussée. Leur moulage en terre plus dépouillé,
est exposé au musée de Rambervillers.
Après la chute du Second Empire et jusqu'en
1896, deux nouveaux modèles de ce type furent créés.
Ils figurent en tête des papiers de la mairie sur la statue de la
défense du 9 octobre 1870 et son piédestal. Le dernier de
ceux-ci a également été sculpté sur le linteau
de la porte de l'annexe de l'hospice, rue du Void-Régnier.
Ie 19 avril 1896, un décret présidentiel
autorisait la ville: « à faire figurer dans ses armoiries
la Croix de la Légion d'honneur. » Le modèle choisi
pour la recevoir fut, après modification, celui illustrant la notice
consacrée à Rambervillers dans le premier Armorial des villes
lorraines de Constant Lapaix. Il serait trop long de s'étendre sur
ce choix, sauf pour dire qu'il ne fut pas des plus heureux. M. Léon
Germain de Maidy devait formuler sur lui de très judicieuses observations,
notamment à propos de la signification des lettres, surtout du I,
figurant dans la composition. Son auteur lui répondit: « Il
est donc bien difficile de préciser l'origine de l'I, les preuves
faisant défaut, et jusqu'à nouvel ordre, on ne peut s'en
tenir qu à des conjectures toujours contestables"(18)
Cela n'avait pourtant pas été le cas
un lustre auparavant lorsqu'avec beaucoup d'assurance il donna à
la gravure de Constant Lapaix la signification toujours en usage {9) alors
que la façade de l'hôtel de ville était, à cette
époque, ornée de l'avant-dernier modèle du troisième
type. Ces observations devaient, d'ailleurs, rester jusqu'à nous
lettres mortes.
En 1901 le Garde des Sceaux invita toutes les villes
décorées depuis 1896 à faire régler leurs nouvelles
armoiries par décret présidentiel.
Cette fois encore, il serait trop long de retracer
toutes les péripéties qui aboutirent, pour Rambervillers,
au décret du 23 mars 1902, dont l'article premier donne avec une
syntaxe héraldique bien loin d'être irréprochable cette
description de ses armoiries:
"D'argent, a la croix de Lorraine de gueules, la traverse de la croix
chargée au centre de l'étoile de la Légion d'honneur
accostée des lettres capitales I et R d'azur, la première
à dextre, la seconde à sénestre et de deux croissants
du même."
Ce décret se référait dans
son préambule, aux dispositions du Conseil du Sceau des Titres,
du 1 1 mars 1809 et au décret du 17 mai suivant, abrogés
par celui du 10 janvier 1872. (10)
Non publié dans le Journal Officiel de la
République, il est présenté comme seule référence
de la composition de 1950, à défaut d'une délibération
sanctionnée par un vote du Conseil municipal, légitime créateur
des armoiries communales.
De ces trois types différents d'armoiries,
tous créés avant la Révolution française de
1789, sont issus les divers modèles connus aujourd'hui, chacun d'eux
marquant le début ou la fin d'un moment de l'histoire de Rambervillers:
I - D'avant 1581 à 1718, puis de 1774 à 1790; II - De 1718
à 1770, puis de 1896 à nos jours; III- De 1770 à 1774,
puis de 1859 à 1896. Il faut cependant préciser que la seconde
période du type (II), se partage entre deux modèles non parfaitement
similaires.
Le dernier, toujours en usage, ne peut, en raison
de la disposition et de l'émail de certaines de ses pièces,
prétendre à un lien avec les précédents, dont
il existe, sur les monuments, sur et dans les édifices publics,
de réelles et authentiques représentations visibles, la modification
admise en 1902 lui enlevant toute possibilité de rétérence
historique incontestable.
Enfin, le blasonnement du trumeau de la cheminée
du grand salon de l'Hôtel de Ville est à considérer
à part.
NOTES
1) Claude Charles - RECUEIL HÉRALDIQUE - AD de
Meurthe et-Moselle B 187 et 188.
2) AD de Meurthe et Moselle B 144.
3) AD des Vosges, AC de Rambervillers DD 35
4) AD des Vosges, AC de Rambervillers CC 178.
5) AD des Vosges, AC de Pambervillers BB 68.
6) AD des Vosges AC de Rambervillers D1.
7) AD de Meurthe-et-Moselle H 2885.
8) Journal de la Société d'Archéologie
lorraine novembre 1896, page 254-255.
9) Bulletin de la Société Philomatique
Vosgienne, années 1891 1892-, page 251
10) AN BB 34419, n° 2747 x 1901.
1. Dessin du heurtoir de la porte principale de l'hôtel de ville Le marteau a disparu.
2. Armoiries de Rambervillers blasonnées dans - L'ARMORIAL GÉNÉRAL DE FRANCE - de Charles d`Hozier.
5. Représentation (grandeur nature) du sceau de la « JVSTICE DE RAMBERVILL. » - 1775 (AD de Meurthe et-Moselle H 2885)
6. Signet empreint sur une lettre du chevalier de Franc aux officiers municipaux de Rambervillers du 9 décembre 1787 (AD des Vosges, AC de Rambervillers BB 68). La matrice de cette empreinte pourrait être celle gravée par l'orfèvre Charles Michel aux armes de Rambervillers en 1774 (AD des Vosges AC de Rambervillers CC 178 - non connue).
7. Premier modèle des armoiries de Rambervillers du XlXe siècle, vers 1859.
8. Deuxième modèle des armoiries de Rambervillers du XlXe siècle postérieur à 1870.
10. Reproduction de la gravure illustrant le premier Armorial des villes lorraines de Constant Lapaix. Editions de 1868 et 1877; réédition, avec introduction de M. Le chanoine Choux de 1974. Ce modèle repris par le docteur Alban Fournier, illustre, accompagné d'une signification très incertaine, la communication - L'HÔTEL DE VILLE DE RAMBERVILLERS - publiée dans le"Bulletin de la Société Philomatique Vosgienne" des années 1891-1892, page 243 à 254 (voir note 9).
11. Second modèle du XIXe siècle ornant la façade de l'hôtel de ville, d'après une photographie prise vers 1890. Contrairement aux assertions de l'auteur de la communication citée précédemment, la gravure mentionnée au numéro 10, ci-dessus, n'a jamais été placée à cet endroit.
16. Piédestal de la statue ci-dessus. Côté gauche, motif de pierre scellé portant sculptées les armoiries du modèle numéro 8, détérioré au cours du bombardement du 3 octobre 1944.
18. Couronne de pierre sculptée avec banderole au fermail gravé aux armes du troisième modèle du XIXe siècle, face du piédestal statue.
20. Armoiries composées pour recevoir l'étoile de la Légion d'honneur, conférée à la ville par le décret présidentiel du 19 avril 1896, sculptées sur la corniche de la façade de 1'hôtel de ville. M. Jacques Meurgey de Tupigny devait déclarer dans une conférence: « Rambervillers a un blason très compliqué d'abord une croix de Lorraine puis les lettres IR, et par-dessus encore l'étoile. Si l'on représentait ce blason en relief ce serait une véritable pyramide. » (Bulletin des Vieux Papiers numéro 109, année 1924, page 327). La lecture héraldique de ce blason est: « D'argent, à la croix de lorraine de gueules accostée de deux croissants montants du même, aux lettres I et R brochant sur le lout, l'étoile de la Légion d'honneur, au naturel, brochant en cœur sur le tout du tout ».Il faut noter que l'éminent héraldiste qu'était M. Jacques Meurgey de Tupigny n'a pas consacré de notice à Rambervillers dans - ARMOIRIES DES PROVINCES ET VILLES DE FRANCE - Paris 1929.
23. Drapeau de la 1 375e section des vétérans de la guerre de 1870-1871. Les armoiries nouvelles brodées dans le blanc du drapeau sont composées d'une croix de Lorraine d'argent au lieu de gueules, les croissants sont d'or, au lieu de gueules; enfin l'insigne de la Légion d'honneur émaillé blanc est, ainsi que sa couronne et sa béliere, aussi d'or, au lieu d'une représentation au naturel.
24. Armoiries modèle 1896 peintes en dessous des plaques de marbre sur lesquelles sont inscrits les noms des victimes de la guerre de 1914-1918 scellées sur le mur du bas-côté droit de la nef de I'église paroissiale L'insigne de la Légion d'honneur est représenté "au naturel". La statue de sainte Libaire, dans le chœur, porte les memes armes sculptées dans le marbre.
25. Vue agrandie des armoiries peintes ci-dessus
27. Armoiries modèle 1896 sculptées sur le monument élevé place des Vosges à Rambervillers, en hommage au Général Richard enfant de la cité (1836-1887).