MEDAILLE DE SAINTE HELENE  par L.H. FLEURENCE 
 
Sommaire : Avertissement :

    Toutes les archives concernant les décorations conférées sous le Second-Empire, ou enregistrées jusqu'en 1871 à la Grande
Chancellerie de la Légion d'Honneur, ont été entièrement détruites dans l'incendie de l'Hôtel de Salm les 23 et 24 mai de cette
année.
    Il ne reste plus aujourd'hui pour traiter de la médaille de Sainte-Hélène, que les documents conservés dans les services d'archives départementales, communales et par les particuliers.
    Ce que nous allons rapporter concernant le canton de Rambervillers, provient de l'examen des liasses 24 R 6 et 24 R 7 des Services d'Archives du département des Vosges.
    Cette annonce des sources nous dispensera d'avoir à les rappeler et nous permettra de noter seulement ce qui est extérieur à elles.
    Une étude plus exhaustive concernant l'attribution de cette médaille dans les cinq cent quararante neuf communes des Vosges a été effectuée.
    Sa publication serait probablement utile aux historiens, chercherus étudiants et numismates.
    Comme nous 1'avons mentionné précèdemment, les documents départementaux sont, depuis plus d'un siècle, les seuls à pouvoir encore être consultés sur cette période assez peu connue de l'histoire du Second Empire.
    Deux communications sur ce sujet ont été publiées dans deux revues, l'une départementale, en 1987 (8), l'autre, nationale, en 1988 (9).
 

Les secours viagers

    Elu Président de la République, le 10 décembre 1848, le Prince Louis-Napoléon Bonaparte eut son attention attirée sur la situation, souvent misérable, des anciens soldats de la République et de l'Empire, le 6 décembre 1849 il invita les préfets à
examiner cette question. Celui du département des Vosges demanda aux maires, par circulaire du 10, de lui fournir pour le ler janvier 1850, au plus tard, la liste des anciens militaires en position malheureuse (10).
    A la suite des renseignements recueillis, le Prince Président informa l'Assemblée par message, le 12 novembre, de son désir: "de venir au secours de la vieillesse et de la misère du soldat de nos armées de la République et de l'Empire" (11).
    Une commission instituée le 25 février 1850, présidée par le grand Chancelier de la Légion d'honneur, devait examiner les rapports et retenir onze mille trente-trois demandes, choisies parmi celles d'anciens militaires en état d'indigence, présentant les plus longs et les plus éclatants états de services.
    Le 14 décembre 1851, un crédit de deux millions sept cent mille francs était ouvert pour le règlement des secours annuels viagers dans les conditions fixées par la commission et qui concernaient l'âge, la durée des services, le nombre des blessures. Trois groupes d'âge avaient été retenus et une allocation déterminée pour chacun, ainsi:
- Six cent quarante octogénaires recevraient annuellement deux cent vingt francs, quatre mille vingt-deux septuagénaires deux cents francs et six mille trois cent soixante sexagénaires cent soixante francs.
La durée des services avait été fractionnée en quatre périodes donnant droit au supplément suivant:
- Soixante-quinze francs aux cinq cent quatre-vingt-quinze ayant vingt ans ou plus de services, soixante francs aux sept cent quarante-huit qui en avaient accompli plus de seize, cinquante francs aux deux mille deux cent-seize qui en comptaient au moins douze, enfin quarante francs aux sept mille quatre cent soixante-quatorze, dont le passage sous les drapeaux était inférieur à douze années, mais supérieur à huit, qui était le minimum exigé.
Le nombre des blessures ajoutait aux allocations principales les annuités suivantes:
- Trente francs aux cent cinquante-neuf qui avaient été blessés six fois ou plus, vingt-cinq aux quatre cent quatorze qui l'avaient été quatre ou cinq fois, vingt aux deux mille six cent quatre-vingts qui justifiaient de deux ou trois blessures, enfin, quinze aux quatre mille cinq cent seize qui n'en avaient reçu qu'une seule (12).
    Le secours minimum, cent soixante francs, était celui accordé à un ancien militaire sexagénaire, ayant accompli une durée de services inférieure à huit années.
    Le secours maximum, trois cent vingt-cinq francs, était versé à un octogénaire totalisant plus de vingt ans de services et ayant été blessé au moins six fois (13).
Ces dispositions, dont l'idée remontait à plus de deux ans, n'avaient trouvé leur expression législative qu'après le succès du Coup d'Etat et n'entrèrent en vigueur qu'au début du second trimestre de 1852.
    Dans le canton de Rambervillers, il y eut quatre bénéficiaires des secours viagers, trois à Jeanménil et un à Clézentaine. Ce nombre correspondait sensiblement à la moyenne cantonale nationale (3,64).
 

lnstitution de la décoration

L'attribution des secours viagers n'avait concerné qu'un nombre très limité des anciens combattants de la Révolution et de l'Empire. Napoléon III désira qu'une marque d'honneur les concerna tous et créa, par décret du 12 août 1857, la médaille de Sainte-Hélène (14).
    En bronze, d'un diamètre de trente-trois millimètres elle portait à l'avers l'effigie de Napoléon ler et au revers la légende: "CAMPAGNE DE l792 A 1815 A SES COMPAGNONS DE GLOIRE SA DERNIERE PENSEE SAINTE-HELENE 5 MAI 1821". Une couronne de lauriers surmontée de la couronne impériale en formait le tour; une bélière constituée par un simple anneau de bronze permettait de la suspendre à un ruban vert bordé de chaque côté d'un liseré rouge et comportant cinq bandes verticales, de petite largeur, de cette dernière couleur. Le vert symbolisait l'espérance, le rouge l'ardeur, la vaillance, le courage. Cette médaille d'ordonnance devait être remise gratuitement, accompagnée d'un brevet. Deux reproductions réduites, d'un diamètre respectif de vingt et de seize millimètres, exécutées avec l'autorisation du Grand Chancelier de la Légion d'honneur, pouvaient être acquises, au prix de deux francs, envoi compris, auprès de l'Hôtel des Monnaies, à Paris.
    Un décret du 19 septembre, ouvrait, au bénéfice de la Grande Chancellerie de la Légion d'honneur, un crédit de deux cent dix mille francs, dont deux cent mille pour prix des médailles et dix mille pour les frais généraux (15).
    Par suite de la destruction des archives centrales, le nombre des titulaires de la Médaille de Sainte-Hélène est, aujourd'hui difficile à connaître. On peut, sans grand risque d'erreur, l'estimer entre trois cent cinquante et quatre cent mille, dont, environ vingt-neuf mille étrangers (16).
 

Recensement des vétérans du canton de Rambervillers

Dès réception du texte du décret du 12 août, les préfets s'empressèrent de prendre les mesures nécessaires pour faire établir par les maires les listes des futurs titulaires. Celui des Vosges adressa, le 14 août, à ceux de son département une lettre circulaire dans laquelle on notait:
"Les vieux débris des glorieuses phalanges de la République et de l'Empire qui, depuis quelques années, ont reçu de l'héritier du Grand Homme tant de marque de sa munificence et de sa justice réparatrice, sont encore une fois l'objet d'une distinction des plus flatteuses, qui perpétuera dans leurs familles le souvenir des grandes choses accomplies par l'Empereur, et auxquelles ils ont participé (17).
    Il les invitait à lui adresser, pour le 25 du mois, au plus tard, l'état nominatif des anciens rnilitaires résidant dans leur commune, ou, s'il n'y en avait plus, un état négatif.
    Une dépêche du ministre de l'Intérieur, du 24 août, enjoignit aux préfets de faire hâter les opérations de recensement. Aussitôt celui du département fit imprimer et adresser aux maires une circulaire, portant la mention " TRES URGENT ", réclamant l'envoi: "par retour du courrier" des listes communales.
    Le ler septembre le préfet adressait au rninistre l'état départemental comprenant cinq cahiers (un par arrondissement). Jugé incomplet par le Grand Chancelier de la Légion d'honneur, parce qu'il ne contenait pas certains renseignements militaires indispensables (grade, régiment du candidat, etc...), il fut retourné. L'expédition définitive, rectifiée, n'eut lieu que le 12 octobre.
    Trois mille deux cent quarante noms figuraient sur l'état départemental, mais un certain nombre de listes n'étaient pas complètes, ou non encore parvenues à la Préfecture.
    Dans les vingt-huit communes du canton de Rambervillers, le nombre des inscriptions s'est élevé à
cent quatre vingt-dix-sept (18) , se répartissant de la façon suivante:

ANGLEMONT - 1                                                        HARDANCOURT -néant                                                ROMONT - 6
AUTREY- 4                                                                   HOUSSERAS - 8                                                               ROVILLE-AUX-CHÉNES - 5 
BAZIEN - 6                                                                   JEANMENIL- 13                                                                SAINTE-BARBE - 1 
BRU - 3                                                                          MENARMONT -1                                                             SAINT-BENOIT - 13
CLEZENTAINE - 5                                                       MENIL - 3                                                                           SAINT-GENEST - 3
DEINVILLERS - 1                                                         MOYENMONT - 4                                                             SAINT-GORGON - 1 
DOMPTAIL - 16                                                           NOSSONCOURT- 1                                                           SAINT-MAURICE -néant
DONCIERES - 2                                                            ORTONCOURT - 1                                                            SAINT-PIERREMONT - 5
FAUCONCOURT- 6                                                    RAMBERVILLERS - 82                                                     VOMECOURT - 4 
                                                                                                                                                                                     XAFFEVILLERS - 2
  (RAMBERVILLERS envoya trois listes dont la dernière datée du 31 juillet 1858.)

Eléments statistiques

Il nous paraît intéressant de donner quelques renseignements sur la personnalité des candidats: âge au moment du dépôt de la demande, date de l'incorporation dans l'armée, nombre des engagés volontaires, des blessés, des réformés, des prisonniers, enfin statistique des professions ou états.

- Répartition par âge:
 92 ans- 1     90 ans- 1     87 ans- 1     85 ans- 2     84 ans- 2     83 ans- 1
 82 ans- 3     80 ans- 2     79 ans- 8     77 ans- 2     76 ans- 3     75 ans- 3
 74 ans- 3     73 ans- 8     72 ans- 4     71 ans- 2     70 ans- 8     69 ans- 8
 68 ans-12     67 ans-16   66 ans-19    65 ans-25    64 ans-20    63 ans- 12
 62 ans-11     61 ans- 1    60 ans4        âge non connu -15

- soit par tranches de dix ans d'âges:
de 81 à 92 ans- 11, environ 6%; de 71 à 80 ans - 35, environ 18%; de 61 à 70 ans-132, environ 67%; de 60 ans- 4, environ 2%; âge non connu- 15, environ 7%.

Pour la ville de Rambervillers qui comptait 82 inscrits: 81 à 91 ans- 2, environ 2,4%; de 71 à 80 ans- 13, environ 15,9%; 61 à 70 ans- 63, environ 76,8%; de 60 ans- 4, environ 4,9%.

D'après les âges des inscrits du chef-lieu du canton, qui sont tous connus, on peut dire, sans grand risque d'erreur, qu'au moins les trois quarts des anciens soldats de la Révolution et de l'Empire encore vivants en 1857 étaient âgés de 61 à 70 ans.

- Répartition par date d'incorporation, (le premier nombre concerne l'ensemble du canton, celui entre parenthèses la ville de Rambervillers):
1791-2 (1)         1792-4 (1)         1793- 1 (0)         1794-1 (1)         1795-0             1796- 1 (0)         1797-0
1798-5 (3)         1799- 3 (3)        1800- 0              1801 - 0             1802- 2 (0)       1803- 3 (1)         1804- 1 (1)
1805- 4 (2)        1806- 1 (0)        1807- 10 (4)       1808- 6 (0)        1809- 9 (5)       1810- 2 (0)         1811- 11 (6)
1812- 22 (12)    1813-42 (25)     1814- 9 (3)         1815- 26 (14)    date inconnue- 32 (0).

    Cet énoncé montre, qu'en 1857, parmi les nombres connus, vingt-deux vétérans des campagnes de la Révolution et de la République (période de 1791 à 1804), vivaient encore dans l'ensemble du canton, dont onze à Rambervillers. Que cent quarante-deux, dont soixante et onze à Rambervillers, étaient des anciens soldats de Napoléon ler et de la Grande Armée, (1805-1815). Parmi eux, cent douze, dont soixante de Rambervillers, avaient participé aux guerres du déclin de l'Empire et des Cent Jours (1810-1815).
    On remarquera également que le contingent le plus important des candidats à la Médaille de Sainte-Hélène (soixante dix-sept pour le canton, dont quarante-deux de Rambervillers) était composé des anciens conscrits de 1813, 1814, 1815, de ces
"Marie-Louise" qui firent la campagne de France ou celle du Nord et de Belgique qui eut pour épilogue Waterloo.

- Situation militaire des inscrits, pour l'ensemble du canton: 9 officiers, 6 maréchaux des logis, sergents-majors et sergents,
8 caporaux et brigadiers, 151 simples soldats, 1 gendarme, 1 pharmacien, 2 ouvriers, 2 fourriers, 17 pour lesquels cette situation est inconnue.
Pour Rambervillers: 7 officiers, 3 sous-officiers, dont 1 sergent-major et 1 sergent, 4 caporaux ou brigadiers, 64 simples soldats, 1 pharmacien, 2 ouvriers et 1 fourrier.

- Engagés volontaires: treize, tous de Rambervillers.
- Blessés: vingt-trois connus, dont huit de Rambervillers.
- Réformés pour blessures ou maladies: douze dont dix de Rambervillers.
- Prisonniers: douze, dont huit de Rambervillers (19).

- Professions ou états: ils seront classés en huit groupes, dont chacun comprendra les métiers qu'il rassemble, suivi d'un premier nombre qui concernera l'ensemble du canton et d'un second, entre parenthèses, pour la ville de Rambervillers.

1-AGRICULTEURS: Cultivateurs- 13 (0), Jardinier- 1 (1).
2-ARTISANS & OUVRIERS: Boulanger- 1 (1), Chapelier- 1 (1), Charbonnier- 1 (0), Charpentiers- 2 (1), Charrons- 2 (0) Cordonniers- 4 (4), Ebeniste- 1 (1), Faïencier- 1 (1), Forgerons- 2 (2), Journaliers- 2 (0), Maçon 1 (1), Manoeuvres- 49 (12), Maréchal-ferrant- 1 (1), Menuisiers- 2 (2), Paveur 1 (1), Plâtrier- 1 (1), Taillandier- 1 (1), Tanneur- 1 (1), Tisserands- 6 (5).
3-COMMERCANTS, PROFESSIONS LIBERALES: Buralistes- 2 (0), Cabaretier- 1 (1), Marchand d'avoine- 1 (1), Marchand de chevaux- 1 (1), Marchand de faïence- 1 (1), Pharmacien- 1 (1), Huissier- 1 (1).
4 - FONCTlONNAIRES & ASSIMILES: Appariteur- 1 (1), Facteur- 1 (1), Gardes-champètre- 2 (1), Instituteur- 1 (0), garde-forestier- 1 (0).
5 - MlLlTAIRES EN RETRAITE: Officiers- 6 (6), Soldat- 1 (1).
6 - RENTIERS: Propriétaires- 18 (5), Propriétaires-rentiers- 4 (4), Rentiers- 23 (13).
7 - PENSIONNES DE L'ETAT: 7 (0).
8 - DIVERS: Indigents- 3 (2), Infirrne- 1 (1), Sans-profession- 10 (4).
9 - PROFESSION OU ETAT INCONNU: 16 (0).

    Le groupe le plus important est celui des artisans et ouvriers. Dans ses quatre-vingts membres on compte cinquante et un manoeuvres et journaliers, plus du quart des inscrits. Ceci confirme, s'il en est besoin, que la grande majorité des hommes de troupe et une partie importante des cadres subalternes etaient issus des classes inférieures.
    Le tirage au sort, qui donnait la possibilité du remplacement au conscrit d'un milieu aisé ayant tiré un mauvais numéro, contribuait à faire de l'armée une armée de pauvres. La conscription devait, plus tard, en modifier radicalement la composition sociale.
 

Remise des décorations

    Elle eut lieu en deux fois, très rapidement pour les anciens militaires qui avaient présentés des pièces justificatives à l'appui de leur candidature, six mois plus tard pour ceux dont la simple déclaration devait être vérifiée par les services du ministère de la Guerre.
    Sur les cent quatre vingt dix-sept inscriptions du canton de Rambervillers seulement quatre vingt-deux (moins de 42%) répondaient au premier cas, dont trente-quatre (sensiblement le même taux) sur quatre vingt-deux pour la ville de Rambervillers.
    Dans la première quinzaine de janvier 1858, le préfet avait reçu, pour assurer la première distribution, deux mille neuf cent vingt-neuf médailles et seulement mille huit cent vingt-sept brevets. Notons que chaque titulaire recevait gratuitement la médaille accompagnée du brevet portant le numéro d'inscription à la Grande chancellerie de la légion d'honneur.
 

    Le 14 il invitait les sous-préfets à organiser au chef-lieu de leur arrondissement une cérémonie solennelle pour la remise des médailles. Les maires de l'arrondissement d'Epinal étaient, de leur côté, appelés à accompagner les vétérans de leurs communes à celle qui aurait lieu dans cette ville.
    Ces cérémonies eurent respectivement lieu: le 20 janvier à Epinal, le 26 à Remiremont, le 18 février à Saint-Dié, le 7 mars à Neufchateau et le 8 à Mirecourt (21).
    Le nombre des invités au chef-lieu du département fut de quatre cent cinquante-neuf, dont soixante dix-sept du canton de Rambervillers, parmi lesquels trente-quatre de cette dernière commune. Mais en raison de leur âge, de leurs infirmités, des difficultés de déplacement et de la saison, quarante-quatre seulement firent le déplacement à Epinal, dont trente-deux de Rambervillers.
    Le cas des absences avait été prévu et le préfet fit adresser aux maires les décorations et les titres des manquants avec mission de les leur remettre et de lui renvoyer, signé, le récépissé correspondant.
    Ce qui n'avait pas été envisagé, c'était les décès intervenus depuis les opérations de recensements. Il y en avait eu trois dans le canton: Fouquet Augustin Séraphin, de Rambervillers, le 28 octobre 1857; Henry François, de Moyenmont, le ler octobre 1857; enfin, Masson François, de Domptail, le 19 janvier 1858.
    Sollicité par les maires qui avaient rencontré de semblables circonstances, le préfet interrogea, par dépêche du 22 janvier, le Grand Chancelier de la Légion d'honneur qui lui répondit, le 27, qu'il autorisait que médaille et titre soient remis à la famille du défunt, à la condition qu'elle en fasse la demande, sinon ils devaient être retournés à la Grande Chancellerie.
    Citons comme exemple celui des héritiers de Masson François, décédé la veille de la remise solennelle, qui adressèrent au maire de Domptail cette lettre:
" Monsieur le Maire,
Les héritiers du sieur Masson François, ancien militaire de l'Empire, apprennent qu'une médaille de Sainte-Hélène destinée à leur parent susnommé, ne lui a pas été remise parce qu'il était décédé au moment de la distribution de ces médailles.
Ils croient fermement, Monsieur le Maire, que la médaille en question appartient de droit à leur oncle et doit être remise aux parents du défunt. En conséquence ils vous expriment le désir ardent et la volonté formelle qu'ils ont de posséder un souvenir qui, dans leur famille, rappellera la double mémoire de Celui (sic) de qui elle émane et de celui qui 1'a méritée.
     Daignez agréer etc. "

    Des trois décédés du canton de Rambervillers, seule la décoration de Henry François de Moyenmont ne fut pas réclamée.
    La seconde distribution concemait, plus particulièrement, les vétérans inscrits d'après déclaration de leurs états de services. Pour cela le préfet avait recu un nouvel envoi de mille cinq cent soixante-quatorze médailles et de mille cinq cent quatre vingt-six brevets.
    Dans le canton de Rambervillers le nombre des titulaires s'élevait à cent dix répartis de la façon suivante dans les communes concernées:

AUTREY - 3            CLEZENTAINE - 3         HOUSSERAS - 8         RAMBERVILLERS - 40         SAINTE-BARBE - 1
BAZIEN -1I             DOMPTAIL - 11             JEANMENIL - 8          ROMONT - 2                          SAINT-BENOIT- 13
BRU - 3                     FAUCONCOURT - 5      MENIL - 2                    ROVILLE-aux-CHENES -4    SAINT-GENEST - 3
                                                                                                                                                                      SAINT-PIERREMONT- 3

    Mathieu de Vomécourt fut porté sur l'état préfectoral supplémentaire numéro 2 du 17 mai 1858; les huit inscrits de la troisième liste de Rambervillers, sur l'état numéro 3 du 20 septembre 1858; tous ont probablement reçu la médaille, mais les matricules des brevets n'ont pu être connus. Quant à Bombardin de Fauconcourt rien ne permet d'affirmer s'il a, ou non, été décoré.
    Nous passerons sur les erreurs, réclamations, double emploi qui se produisirent, pour ne citer que Saint-Benoit, commune pour laquelle il n'a été possible de connaître que les noms et les numéros des brevets des titulaires.
    Quelques listes supplémentaires furent encore établies par le préfet, la dernière connue, portant le numéro 6, est datée du 3 novembre 1859. Le 3 février 1870 le sous-préfet de Mirecourt adressait encore une proposition.
    Les documents existants dans les Services d'archives départementales ne permettent d'établir qu'une estimation du nombre des décorés du departement. Elle peut être fixée sans trop d'erreur entre 3.650 et 3750 titulaires.

On lira avec intérêt : "LES ANCIENS MILITAIRES DE LA REPUBLIQUE ET DE L'EMPIRE DANS LE DEPARTEMENT DE LA MEURTHE EN 1857.ET LA MEDAlLLE DE SAINTE-HELENE" . Etude publiée par Madame Françoise Job ( Pays Lorrain, 1981, N°2, pp-97-108). L'auteur raconte, en citant de multiples exemples, quelle était la situation de nombreux candidats à la médaille de Sainte-Helène et rappelle les faits d'armes, blessures, captivité d'un grand nombre de ces survivants. Elle se demande: " En 1857, comment ces rescapés, souvent débris glorieux, des guerres de la République et de l'Empire, arrivent-ils à assurer leur subsistance?" et ajoute "Là aussi, il est impossible de connaître la proportion de ceux qui, invalides de guerre ou non, se trouvent dans la misère". L'importante masse de documents consultée, aux Archives départementales de Meurthe-et-Moselle, lui permet "de confirmer qu'il n'y a pas eu, après 1815, de la part des gouvernements successifs, une politique systématique d'assistance aux anciens militaires invalides de guerre."
    Le travail présenté par Madame Françoise Job est très probablement le plus complet concernant, jusqu'à ce jour, et pour un département, I'attribution en 1857-1858 de la Médaille de Sainte-Hélène.
 

Pension aux médaillés de Sainte-Hélène

    L'honneur d'une décoration ne soulageait pas la réelle misère de nombreux vétérans. Les secours viagers continuaient à être accordés. Au fur et à mesure du décès des bénéficiaires, d'autres étaient admis dans la limite du crédit ouvert au ministère des Finances.
    Sur proposition de M. Glais-Bizoin le corps législatif adopta, le 26 avril 1869, une loi promulguée le 5 mai(22) accordant, sous certaines conditions, une pension annuelle viagère de deux cent cinquante francs aux survivants des armées de la République et de l'Empire. Une circulaire du 12 mai fixait ces conditions: Fourniture à la Grande Chancellerie de la Légion d'honneur d'un certificat de vie pour les vingt cinq mille bénéficiaires, à cette époque, du secours viager; d'un état des services militaires justifiant: soit d'une présence d'au moins deux années sous les drapeaux, soit de la participation à une campagne, soit d'une blessure reçue en service et d'une attestation préfectorale constatant l'insuffisance des ressources, pour les autres.
    Le point de départ de la pension fut fixé au 15 août 1869 pour les bénéficiaires des secours viagers et ceux qui, à cette date, auraient constitué un dossier complet.
    Sur les cent soixante-quinze anciens militaires du canton de Rambervillers recensés pour l'attribution de la Médaille de Sainte-Hélène, dont la date du décès a pu étre connue, quarante-trois vivaient encore dont quarante médaillés. Une quinzaine avaient été inscrits comme propriétaire, rentier, ou avaient accompli un temps de service inférieur à celui exigé, ce qui ramenait le nombre des éventuels ayants droit à la pension à moins de trente; de ce nombre il faut encore retrancher ceux qui ne se trouvaient pas en situation d'indigence. La guerre de 1870-1871 et la chute de I'Empire devaient perturber, puis
interrompre, l'action administrative qui ne devait être reprise que le 8 août 1871.
    Depuis la promulgation de la loi, onze des bénéficiaires possibles étaient encore décédés; ceci ramenait leur nombre, en août 1871, à une quinzaine environ, d'un âge compris entre 73 et 85 ans. Si les plus nécessiteux avaient pu survivre jusque-là, cela n'avait probablement pas été sans de grandes difficultés, dans les tourments de la misère et de l'humiliation (23).
    La Médaille de Sainte-Hélène fut accordée à tous ceux qui en avaient fait la demande justifée. Mais son attribution ne suscita pas de grands débordements d'enthousiasme et de joie, comme ceux qui avaient marqué les événements heureux de l'Empire: mariage de l'Empereur, naissance du prince impérial, voyages dans l'intérieur du pays, etc.
    Bien qu'elle ait donné son ruban à la Croix de la guerre de 1914-1918, la Médaille de Sainte-Hélène est à peu près oubliée de nos jours. Ainsi cette question d'un lecteur de "L'EST REPUBLICAIN" qui, en ratissant son jardin, en trouva une, en 1967.
" Qui distribuait des médailles de ce genre et quand furent-elles attribuées?".
Il recevait d'un rédacteur de ce journal cette première réponse:
" Sans garantie, quelqu'un a émis l'hypothèse que Napoléon III qui prit le pouvoir le 2 décembre 1851 aurait pu, sitôt le Coup d'Etat, faire frapper ces objets dans le but politique de stimuler la foi impériale, en récompensant les rescapés des campagnes de son oncle (il y en avait encore ....(24))

Le souvenir de cette décoration devait s'évanouir dans les brumes du temps. Evoquer, même succintement, son histoire est une façon de rappeler les souffrances endurées, la gloire méritée par ceux qui la reçurent, pour avoir été, avant et au-dessus de tout, vainqueurs ou vaincus, les glorieux ou les malheureux combattants de la Grande Révolution française et de la liberté.
 

 Les médaillés de Sainte-Hélène. Gravure de Léopold Flameng. 1859 


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