Malgré la lassitude et l'épuisement consécutifs aux guerres napoléoniennes, les populations de quelques villes et régions se levèrent pour s'opposer à l'envahisseur. En Lorraine, ce fut le cas des quatre-vingt braves du lieutenant Laurent qui défendirent le pont de Maxonchamp, dans la Haute Vallée de la Moselle, et celui des montagnards vosgiens de Nicolas Wolff qui combattirent dans la vallée de la Brüche et à Rothau.
Après avoir pénétré en Suisse, l'armée autrichienne envahit la Bourgogne; les habitants de Chalon-sur-Saône, Tournus et Saint-Jean-de-Losne, organisés en Garde Nationale, tentèrent de défendre le passage de la Saône. Ceux de Roanne attaquèrent l'ennemi par surprise.
A son retour de l'ile d'Elbe, Napoléon 1er témoigna sa reconnaissance aux trois premières en leur permettant, par le décret du 22 mai 1815, de faire figurer dans leur blason: "l'aigle de la Légion d'Honneur".
Pour la première fois dans l'histoire de notre pays, des villes étaient admises dans l'Ordre national de la Légion d'Honneur, pour récompenser l'héroïsme et le courage de leurs habitants.
Louis XVIII ne reconnut pas le décret impérial. Chalon-sur-Saône dut attendre sa confirmation par lettres patentes de Louis-Philippe, du 6 septembre 1831; Saint-Jean-de-Losne par l'ordonnance du 1er octobre de la même année; quant à Tournus, son maire la sollicita de Napoléon III, qui la lui accorda par décret du 10 août 1861.
Le 10 janvier 1858, le Conseil municipal de Roanne rappela au neveu l'intention manifestée en 1814 par l'oncle et, le 7 mai 1864, I'Empereur prit un décret autorisant cette ville: "à ajouter à ses armes la CROIX de la Légion d'Honneur ".
A la chute du Second Empire, quatre villes françaises seulement avaient obtenu cette marque de la reconnaissance nationale et le droit d'en faire figurer l'insigne dans leur blason.
La coutume, née à la fin du règne de Napoléon 1er, devait se perpétuer sous la République.
Du 4 octobre 1877 au 23 novembre 1957, soixante nouvelles villes de France, et trois étrangères (Liège, Belgrade et Luxembourg) furent honorées de cette haute distinction portant, à ce jour, le nombre des premières à soixante-quatre, parmi lesquelles quinze de Lorraine, récompensées pour des faits se rapportant aux trois dernières guerres nationales et mondiales: 1870-1871, 1914-1918, 1939-1945; la première et la dernière étant les deux seules villes vosgiennes décorées: Rambervillers et Saint-Dié. A la veille de la guerre de 1914-1918, seize communes de France dont une seule de Lorraine: Rambervillers, avaient et l'honneur de pouvoir orner leur blason de "l'étoile du conquérant" (1). L'annexion à l'Allemagne d'une partie de notre territoire n'avait pas permis de récompenser Bitche, Phalsbourg, Metz et Thionville; elles devaient l'être au lendemain de la signature du traité de Versailles, avec neuf autres cités lorraines, dont la belle conduite de leurs populations, leurs souffrances et leur martyr, au cours de la première Grande Guerre Mondiale, avaient désignées à la reconnaissance nationale. Enfin, la quinzième et dernière, Saint-Dié, devait en recevoir l'hommage, pour avoir été victime de la barbarie nazie, au mois de novembre 1944.
Toutefois, avant de donner la liste de nos villes lorraines décorées de la Légion d'Honneur avec, pour chacune, la date et le contenu de la citation, il n'est pas inutile de rappeler que l'histoire de l'attribution de cette haute distinction aux soixante-quatre cités françaises est aussi celle des différentes rédactions des décrets de nomination:
L'étoile de la Légion d'Honneur fut d'abord ajoutée
aux armoiries des cités,
"L'aigle de la Légion d'Honneur fera partie des armes de la
ville ", énonce l'article premier du décret impérial
du 22 mai 1815; alors que ce même article, dans celui rendu par Napoléon
III, le 7 mai 1864, devient:
"La ville de Roanne (Loire) est autorisée à ajouter à
ses armes la CROIX de la Légion d'Honneur".
A partir de la décoration de Châteaudun, le 3 octobre
1877, jusqu'à celle de Verdun, le 12 septembre 1916, c'est-à-dire
pour treize villes, on adoptera pour l'article premier du décret
la rédaction suivante:
"La ville de ... est autorisée à faire figurer dans ses
armoiries la CROIX de la Légion d'Honneur".
Il sera complété, pour Châteaudun seulement, par: "... qui sera posé en chef de l'écu ".
Après la guerre de 1914-1918, le texte de la décision
est encore modifié. Pour Bitche, le 14 juin 1919, la rédaction
de l'article premier devient:
"La Croix de Chevalier de la Légion d'Honneur est conférée
à la ville de Bitche ".
A partir de Reims, 4 juillet 1919, jusqu'à Albert, 15 avril 1932,
dernière ville décorée pour des faits se rapportant
à la Première Guerre Mondiale, soit pour vingt-cinq villes,
le premier alinéa de l'article premier du décret de nomination
sera rédigé de la façon suivante:
"La Croix de la Légion d'Honneur est conférée
à la ville de ...... pour le motif suivant...."
Pour la même distinction, accordée à vingt-et-une
communes pour des faits se rapportant à la seconde Guerre Mondiale,
on procède à une simplification beaucoup plus nette de l'acte
d'attribution. L'exposé des motifs de la nomination n'est donné
que pour quatre d'entre elles. Pour les dix-sept autres, I'énoncé
se ramène à:
"La Croix de la Légion d'Honneur est attribuée à
la ville (ou aux villes) de ...",
avec une exception pour la ville de Saint-Malo:
".... est nommée dans l'Ordre National de la Légion d'Honneur
pour prendre rang du jour de la signature du présent décret:
au grade de chevalier, la ville de Saint-Malo"
La Croix de Guerre avec palme accompagnait l'attribution de l'étoile
de la Légion d'Honneur respectant, en cela, l'article 6 du décret
du 23 avril 1915, réglant les modalités d'application de
la loi du 8 avril 1915 créant la Croix de Guerre, qui était
conférée: " de plein droit en même temps que la Légion
d'Honneur décernée pour un motif équivalent à
une citation à l'ordre de l'armée ".
Pour les deux l'article premier du décret
est: "La ville de ... est autorisée à faire figurer dans
ses armoiries la CROIX de la Légion d'Honneur ".
Pour toutes, I'article premier du décret débute par: "La
Croix de Chevalier de la Légion d'Honneur est conférée
à la ville
de ... pour le motif suivant: (citation mentionnée pour chacune
d'elles)".
Le 29 septembre 1979, Nancy célébrait
le soixantième anniversaire de la remise à la ville, par
le Président de la République Raymond Poincaré, le
12 octobre 1919, de l'étoile de Chevalier de la Légion d'Honneur.
Le compte rendu de cette cérémonie
(4), nous apprend que les sept villes de Meurthe-et-Moselle titulaires
de cette distinction furent associées à cette célébration.
Pourquoi, en cette circonstance, la capitale de la Lorraine a-t-elle cru
devoir abdiquer son titre et se ravaler au rang d'un simple chef-lieu de
département en n'associant pas à sa gloire: Rambervillers,
Verdun, Bitche, Phalsbourg qui, avant elle, Metz, Thionville, Saint-Dié,
après, avaient obtenu cet honneur ?
Dans notre pays, c'est sa capitale la plus grande
ville admise dans l'Ordre national de la Légion d'Honneur. Le plus
petit village est celui d'Etobon, en Franche-Comté, situé
à douze kilomètres d'Héricourt et à une vingtaine
de Belfort, il est peuplé d'un peu plus de deux cents habitants.
Dans l'après-midi du samedi 27 septembre 1944, trente-neuf d'entre
eux répartis en trois groupes de dix et un de neuf, furent sauvagement
abattus à la mitraillette contre le mur de droite de l'église
de Chènebier, par le Sicilien Pietro Pilot (5).
Notes :
(1) Madame Claude Ducourtial, conservateur du Musée
national de la Légion d'Honneur. - "Ordres et Décorations",
collection "Que sais-je", page 59.
(2) Classées dans l'ordre chronologique de leur
nomination.
(3) Jean-Claude Bonnefont, Pierre Barral, Rose-Marie
Dion, Jean Peltre, François Roth, "Histoire de la Lorraine de 1900
à nos jours", Privat éditeur.
(4) "Est Républicain" du 30 septembre 1979.
(5) Jean Vartier, "Histoires secrètes de l'occupation
en zone interdite", page 306.