Les cahiers de doléances (1) de la commune de SEICHAMPS 
12 mars 1789

Dép. de Meurthe-et-Moselle. Arr de Nancy.Cant. de Nancy Sud.Gén., Int., Subdélég. et Maitrise de Nancy.
Dioc de Nancy. Archidiaconé de Nancy, Doyenneté d'Amance.
Collateur : Le Chapitre de la Primatiale de Nancy.
Décimateurs : Les Dames de Bouxières pour la moitié, le curé pour un tiers et le Chapitre de la Primatiale pour un sixième.
Feux : 45. Habitants : 256 (1790)
Seigneurs : Les sieurs de Seichamps pour un tiers. Mad.de Provenchères pour un tiers (2).
Biens communaux : Vignes : 2 hommées, 14 Toises. Terre : 16 jours. Chenevières : 2 jours, 6 hommées. Pâquis : 607 arpents. Prés : 9 fauchées, 2 hommées.
 
 


PROCES-VERBAL(3)
Conforme au modèle officiel

Date : 12 mars 1789
Lieu : la salle d'école de Seichamps

Président : Joseph Perrin, maire, et Pierre Sigisbert Hachotte, sindic.
Greffier : Pierre Sigisbert Hachotte
Députés : Lacretelle l'ainé, avocat à Nancy (4) ; Pierre Sigisbert Hachotte, greffier.
Signataires : les mêmes qu'au bas du cahier de doléances. [A la suite des signatures, on lit la mention suivante:]
J'accepte le pouvoir cy dessus.
[Signé Lacretelle]
 

Remontrances et Doléances et Demandes des habitans,

Au nombre de quarante cinq, composant la communauté de Seichamps, dressées en conséquence de la convocation, faite par le Roy le vingt quatre janvier dernier, des sujets de son obéissance aux Etats Généraux et de l’ordonnance de Monsieur Mengin, Lieutenant Général du Bailliage de Nancy du vingt six février dernier, pardevant nous, Maire et Sindic de ladite Communauté, à la pluralité des voix, sçavoir qu’il est des désordres à corriger et punir dans le gouvernement et l’administration des finances, des demandes et règlements à faire pour le bonheur du Roy et des citoyens, avant de d’occuper de l’octrois des subsides nécessaire à l’Etat. 
 

Chapitre des Doléances.

Se plaignent lesdits habitans : 
1° Que la somme totale des différentes impositions surpassent celle des biens et fruits qu’ils recueillent sur leur ban et finage, les terres et propriétés appartenant presque toutes à des étrangers et une partie des laboureurs si pauvres qu’ils ne peuvent pas bien cultiver. 
2°De l’abus de l’authorité ministérielle qui soustrait les sujets à leurs juges ordinaires par l’usage des lettres de cachet, fléau terrible 
3°De l’abus dans les fermes générales qui n’aboutissent qu’à enrichir des particuliers aux dépens du Roi et des sujets. 
4° Des exactions des officiers de Maitrise des Eaux et Forêts. 
5° De l’inutilité des bureaux d’intendances : la Chambre des Comptes ayant tous les tems procuré plus efficacement le bien des sujets. 
6° De l’abus des finances d’offices à la Chancellerie, aux bailliages, hôtels de ville, huissiers priseurs, procureurs, notaires, etc. Le tribunal de la Chancellerie, les droits de control, l’indication des ventes de bien au tableau des hypothèques, frais d’inventaires et de ventes étant singulièrement onéreux, sans aucun avantage pour l’Etat ; les décrets de ventes anciennement annoncés à l’issue des offices paroissiaux étant bien plus propres à assurer les hypothèques des propriétaires et moins coûteux ; la finances des offices éloignant souvent les sujets méritans des places dont on abuse pour piller les sujets par des concessions, tant de droits de places, d’entrée de ville, etc ., inventé par la cupidité des financiers. 
7° De la licence des commis, employés  la ferme, qui ruinent le peuple par des contraventions frauduleuses, etc. ; des acquits inutilement exigées, etc., des impôts sur les cuirs, papiers, marques de fer ou argent, etc. 
8° De ce que plus de la moitié des laboureurs du lieu ont été ruinés depuis vingt ans par l’excès des impôts, la rapacité des maitres à exiger des remonts considérables sur leurs fermes, la perte du bétail occasionné par la cherté excessif du sel. 
9° De c equ’on a deffendu le port d’armes aux Lorrains, ce qui fait qu’ils ne peuvent se deffendre contre les loups, gibiers, etc.,  voleurs, etc… 
10° Des bannalités, droits de chasse, rentes, cens, redevances, corvées, etc., que les seigneurs exigent avec tant de rigueur de leurs sujets, du trop grand nombre de colombiers des seigneurs fieffiers, etc., et du nombre excessif des pigeons qu’ils contiennent (celui du fief d’Agincourt en contient, dit-on, mille paires). 
11° De ce que des corps étrangers aux paroisses enlèvent la plus grande partie des dixmes au grand préjudice de l’église et des pauvres. 
12° Des pensions arbitraires accordées à quantité de sujets qui n’ont jamais servi l’Etat, tandis que des anciens curés, vicaires, infirmes et des militaires ruinés à la guerre languissent dans la misère. 
 

Chapitre de Demande

1° Que les députés de la Province demandent l’état des dépenses du gouvernement et que les Etats Généraux puissent les fixer. 
2° Que les ministres soient tenus de rendre compte de l’employ de tous les impôts qui auront été octroyés et d’en rester garans. 
3°Qu’on opine par tête et non par ordre aux Etats Généraux. 
4° Qu’au cas que les Etats Généraux ne soient pas convoqués après trois ans écoulés depuis la dernière tenue, ils puissent s’assembler de plan droit dans le lieu où ils se seront tenus la dernière fois ou dans celui que les Etats qui vont se tenir fixeront. 
5° Que ceux des députés aux Etats Généraux qui, avant trois ans, accepteront des dons, pensions ou grâces du gouvernement soient déclarés infames, à moins que les Etats ne les ayent demandés pour eux. 
6° Que la Ferme Générale, la Maitrise des Eaux et Forêts, le tribunal de l’Intendance, les droits de contrôle, la Chancellerie soient supprimés. 
7°Qu’aucune charge de juge, procureur, notaire, etc., ne se financent ; que le mérite seul et le zèle patriotique introduise les sujets dans les différens offices de judicature, etc. 
8° Que la Lorraine soit mise en possession de tenir ses Etats provinciaux et que des tribunaux intermédiaires suppléent et remplacent gratuitement les officiers de l’Intendance, de Maitrise des Eaux et Forêts et Fermiers Généraux, de châtrerie, riflerie, etc., de sel, tabac, etc. 
9°Que les salines de Lorraines soient supprimées, ou au moins diminuées, pour remettre le bois à un prix convenable. 
10° Que la Lorraine conserve ses correspondances avec l’étranger et que la France tire de la province les étoffes qu’elle reçoit de l’étranger et conséquemment que la Lorraine soi exempte du tarif général. 
11° Que tous les impôts à établir aux Etats Généraux soient supportés indifféremment par toutes les classes de citoyens sans exceptions quelconques et que tous les impôts perçus jusqu’ici soient supprimés comme illégaux. 
12° Que chaque province verse immédiatement dans les coffres du Roi les subsides qu’elle aura promis. 
13° Que les dixmes de chaque paroisse soient désormais employés à rétribuer honnêtement les desservants du double des portions congrues actuelles, au moins pour qu’on trouve chez eux des ressources provisoires dans les maladies, les désastres et accidents fâcheux, à la décoration, entretiens des églises et soulagement des pauvres et, en cas qu’il reste du surplus, après ces employs, qu’il serve à pensionner des officiers ruinés, des invalides, etc…(1) 
14° Que la liberté de la presse soit permise avec les restrictions qui l’empêche de dégénérer en abus contre les mœurs et la religion, suivant le règlement qui sera fait par les Etats Généraux (2). 
15° Que le mérite personnel, seul, sans égard à la naissance et à la faveur, conduise les sujets au moins à la moitié des grades militaires. 
16° Que les trésoriers royaux, provinciaux et des communauté soient pensionnés et abonnés modérément, ainsi que le contrôleur des actes juridiques qu’il insinuera gratis. 
17° Que toutes propriétés et possessions soient interdites et retirées aux juifs et qu’ils soient obligés de se conformer aux anciens règlements des princes de Lorraine, sans dispense envers aucuns ou qu’on fasse à leur égard un règlement qui les empêchent d’être nuisible. 
 

Règles pour conserver les loix constitutives de l’Etat

1° Que le Roy jouissent de la plénitude de l’authorité monarchique conformément aux lois françaises et lorraines. 
2° Que les biens domaniaux, vendus ou aliénés, soient repris aux acheteurs et possesseurs et réunis à la couronne sans pouvoir en être aliénés à la suite. 
3° Qu’aucun sujet ne soit exposé à souffrir du despotisme ministériel, que le procès soit fait aux trois derniers ministres retirés. 
4° Qu’aucun impôt ne soit mis sur l’Etat qu’en conséquence du consentement des Etats Généraux ; qu’ils s’assemblent désormais de trois en trois ans et même extraordinairement et pour accorder seul les subsides en cas de presse et besoins extraordinaires de l’Etat. 
5° Qu’il n’y ait plus d’autres juridiction que les Cours Souveraines et Chambres des Comptes et les inférieurs qui y ressortissent ; que lesdites cours continuent à enregistrer toutes les loix qui émaneront du throne dans l’interval qui sera entre les différentes tenues des Etats Généraux ; qu’ils ne puissent juger que suivant les loix. 
6° Que la constitution, gouvernement ecclésiastique, discipline canonique et civile soit maintenue, gardée et observée dans toute l’exactitude qu’on y apportoit en 1750 (1) 
7° Que les règlements de discipline ecclésiastique, introduits en Lorraine depuis quelques années, enregistrés sans l’acquiessement des curés, soient supprimés, comme contraires aux immunités lorraines dont la maxime est de s’en tenir à la tradition des anciens, sans changement, étant humiliant pour l’Eglise qu’un citoyen essentiel ait à craindre une détention, même momentannée, sur les ordres d’une seule personne. 
8° Que le clerger jouisse paisiblement de ses libertés, exemptions, franchises, fondés sur les loix qui les mettent sous la protection immédiate de leurs juges, excepté que les monastères des réguliers opulens, les abbayes, Prieurés, etc. Réguliers et en Commande, les Chapitres Séculiers de l’un et l’autre sexe, soient obligés de laisser dans les lieux où ils ont des biens la portion superflue et excédants la règle de pauvreté que les réguliers ont voués et la décense modeste que doivent observer des abbés, prieurs, chanoines, chapelains, etc., dont l’abondance fait gémir, à la vue de la misère du pauvre, de la veuve et de l’orphelin. 
9° Qu’il y ait dans chaque paroisse un bureau ecclésiastique chargé gratuitement de la perception, conservation et employ des biens superflus desdits ecclésiastiques, subordonné à un bureau établi dans chaque doyenneté rural, qui dépende d’un bureau diocésain qui règleroit gratuitement l’employ de ces biens pour l’entretien de l’église, maison de cure, gage des maîtres d’écoles, etc., soulagement des pauvres, infirmes, vieillards, etc. où il n’y auroit pas assé de dixmes et à pensionner des officiers militaires, soldats retirés du service, etc. qui résident sur les lieux, serviroient l’église, en maintenant l’ordre dans le culte et service divin, sanctification des fêtes et dimanches et l’Etat en dressant la jeunesse aux exercices militaires, dans les tems morts (1). 
10° Que le commerce des villages avec les villes soit libre et affranchi de tous droits d’entrée douane de place, etc. 
11° Que les villes, bourgs, villages lèvent chacun sur leurs habitans, au marc la livre d’impositions royales, les deniers nécessaires pour supporter chacun leurs charges locales, dans les lieux où il n’y a pas de biens communaux. 
12° Que les deniers nécessaires pour subvenir aux besoins Roy, si ses domaines bien administrés ne suffiroient pas, et de l’Etat, soit réglé à une somme fixée, répartie sur les différentes provinces par un seul abonnement, proportionnellement aux facultés et nombre des habitans qui les composent. 
13° Qu’aucun sujet ne soit emprisonné et détenu que par ordre de ses juges naturels. 
14° Que jamais l’administration de la justice ne soit interrompue dans les tribunaux supérieurs et inférieurs. 
15° Que les procédures soient accordées plus promptement, et à moins de frais et qu’on corrige les abus glissés dans la procédure, tant civile que criminele.
16° Qu'enfin les officiers d'hôtels de ville soient électifs, sans finance et administrent la police, etc.gratis.
 

Lesquels doléances, demandes et règlements rédigés et lues en corps de communauté, sur six pages de papier, cotté par nous, maire et sindic, par la crainte qu'on n'y change et signé par les habitans de Seichamps, ce jourd'hui douze mars mil sept cent quatre vingt neuf, ont été déposés au greffe et le double remis aux sieurs la Cretelle l'ainé, avocat à Nancy, que nous avons prié de nous représenter avec Pierre Sigisbert Hachotte, notre greffier, députés pour le présenter lundi seize du courant à Monsieur le Bailly de Nancy, pour satisfaire à l'assignation qui nous a été donnée le six du courant, par l'huissier Barthelémi. 
 

François Martin; F.Sigisbert Hachotte; Sébastien Aubert; Jean Nicolas Brunet; Nicolas Fery; Voignier; J.Pinglé; Nicolas Cézard; Jean Vautrin; Joseph Hanrion; Jean Geny; Joseph Vautrin; François Lange; Pierre Gauven; Pierre Lange; Nicolas Thouvenin; Joseph Thouvenin; Jean Nicolas Racadot; Joseph Mathieu; illisible; Racadot; Claude Pinglé; Joseph Barroyer; François Viriot; Nicolas Fery; Joseph Poirot; J. Nicola illisible; Joseph Maxant; Jean Dardenne; Joseph Perrin; E.Arel; F.Hachotte; P.Sigisbert Hachotte. 
 

(1) Deux feuilles 420mm x 340 mm., pliées, formant cahier de 8 pages dont 6 de texte et signatures sans cote ni paragraphe
(2) Parmi les procurations envoyées à l'assemblée de la noblesse du Bailliage de Nancy nous trouvons celles de Madame Françoise Henry, dame et propriétaire de la terre de Seichamps pour les deux tiers, résidant à Nancy et celle de Messire le Baron Dominique de Richard, conseiller intime de feuë sa Majesté Impéiale, seigneur en partie de Seichamps, résidant à Saint Dié.
(3) Une feuille de 440mm x 355 mm., pliée formant 4 pages dont 1 3/4 de texte et signatures, sans cote ni paragraphe.
(4) Pierre Louis de Lacretelle, né à Metz en 1751, avocat au Parlement de Nancy en 1777 puis à Paris à partir de 1778. Ami des derniers philosophes, royaliste constitutionnel, membre de la commune de Paris, député suppléant aux Etats généraux, puis membre de la Législative, il se retire de la vie politique après le 10 août. Membre de l'Académie Française en 1805, il est l'auteur d'une quinzaine de volumes de littérature, de philosophie et de politique. Mort à Paris en 1824.

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